Campus RTS : édifice transparent au service de l’information

Après une décennie de projet et de réalisation tout en intégrant plusieurs étapes majeures de transformation, le nouveau campus de la RTS touche bientôt à sa fin. 

La SSR (Société suisse de radiodiffusion et télévision) lance en 2014 une procédure de mandats d’étude parallèles pour la construction du futur édifice du grand média public suisse de la RTS. Le bâtiment est situé au cœur du campus UNIL-EPFL, à l’est du Rolex Learning Center. 

Désigné lauréat en 2015, le bureau belge Kersten Geers David Van Severen (KGDVS) est responsable du projet. Deux années plus tard, le projet se gèle complètement suite à l’initiative No Billag1 qui remet directement en cause la mission du média public. 

A la suite d’une redéfinition stratégique de la SSR et de nouvelles priorisations, le projet du campus reprend vie et on observe des modifications au projet. Les mots d’ordre maintenus  sont transparence et flexibilité.  Effectivement, le projet prend une grande importance sur le désir d’ouvrir le bâtiment et d’accueillir le public. Comment ce discours se retranscrit-il architecturalement au sein du chantier, ouvert en 2020 et qui se terminera en 2026?

DU SAVOIR À L’ÉCRAN : LA RENCONTRE ENTRE ÉDUCATION ET INFORMATION

© Office Kersten Geers David Van Severen (KGDVS)

Au moment du lancement du mandat d’étude parallèle, Gilles Marchand, ancien directeur de la RTS, et Patrick Aebischer, ancien président de l’EPFL, exposent leur intention de faire du nouveau campus RTS un bâtiment pluridisciplinaire, incarnant l’idée de mettre le savoir au service du public.

L’emplacement stratégique du campus RTS, à proximité de l’UNIL et de l’EPFL, permet une collaboration bénéfique entre les domaines scientifiques et les médias. La recherche universitaire est implantée au sein d’une plateforme médiatique. Selon Marc Bueler2, “Il y a le savoir et l’enseignement du côté de l’EPFL et de l’UNIL. Et nous, finalement, dans les médias, on est un partenaire pour raconter des histoires, porter ce savoir, et être aussi challengé.” Ce choix s’inscrit dans une démarche “visionnaire”, où l’interaction avec le milieu académique devient un pilier du média moderne : aujourd’hui, la question du fact-checking est au cœur de la diffusion d’informations. ”On n’est pas juste des porte-parole […], mais on devient un acteur de relais pour toute cette complexité sociétale.” ajoute Marc Bueler.

Cette collaboration est réfléchie non seulement pour les contenus produits, mais aussi pour les formats et les modes de diffusion. Par exemple, l’Initiative for Media Innovation (IMI), un laboratoire commun entre l’EPFL et la RTS, se consacre à l’intégration de technologies de pointe dans le journalisme. Cette proximité permet à la RTS de s’adapter plus rapidement aux évolutions technologiques, tout en offrant aux étudiants un espace d’apprentissage au cœur même de la production médiatique.

TRANSPARENCE ARCHITECTURALE ET MÉDIATIQUE

© Office Kersten Geers David Van Severen (KGDVS)

Dès la procédure de MEP du Campus RTS, la transparence est un pilier fondamental du projet, autant dans son concept architectural que dans sa valeur sociétale. Elle s’inscrit dans une volonté de rendre visible le processus de création médiatique. Marc Bueler nous dit :  “Après, il y a aussi une symbolique, la transparence fait partie du service public, de donner de la visibilité à nos activités. Ça commence par le foyer, et d’exposer ce qu’on fait. Le média n’est plus un élément où on fait les choses en coulisses, où on est un petit peu replié sur soi-même. On a un devoir d’ouverture, de transparence.” 

Au rez-de-chaussée du bâtiment se trouve un vaste espace vitré, conçu pour accueillir le public de manière attractive. Cette esplanade intérieure, baignée de lumière naturelle, est le point de rencontre central entre la RTS et ses visiteurs. L’espace est pensé pour permettre aux invités de découvrir les coulisses de la production médiatique en direct, sans barrières physiques ni symboliques. Effectivement, on peut observer les activités au sein des studios et régies vitrés, directement connectés au foyer. Les plateaux de tournage, qui sont des boîtes fermées, sont également accessibles à travers des sas.À l’étage, le “Champ” représente un espace de travail innovant et totalement ouvert. Ce vaste plateau, dépourvu de cloisons rigides, est pensé pour optimiser la collaboration des usagers et la circulation des idées. Marc Bueler décrit cet espace comme un lieu de “visibilité au travail”, permettant une interaction constante entre les différentes équipes.

L’ARCHITECTURE AU SERVICE DE L’ÉVOLUTION DES MÉDIAS

© Office Kersten Geers David Van Severen (KGDVS)

Le bâtiment de la RTS ne se contente pas d’héberger des bureaux ou des studios, il a été pensé comme un outil de travail évolutif, capable de s’adapter aux changements constants du monde des médias. Marc Bueler explique même que “Le bâtiment est capable de répondre aux demandes et aux évolutions constantes des modes de production, c’est une qualité que le projet a su relever”. De l’organisation spatiale jusqu’à l’infrastructure technique, tout a été conçu pour permettre des reconfigurations rapides, anticiper les changements de formats, d’équipes ou de technologies.

Autour des noyaux de circulation des quatre émergences, les architectes ont imaginé des espaces libres, facilement modulables. Antonios Prokos3 cite : “Un des thèmes forts du projet, c’est la flexibilité et la transformation. Le projet a changé de fond en comble plusieurs fois.” Des studios peuvent être agrandis en supprimant des cloisons, ou divisés pour accueillir plusieurs petites unités. Lors de la visite de chantier, Antonios Prokos nous montre des studios presque finalisés où le matériel est si coûteux que déplacer les cloisons étaient en effet moins onéreux que de changer l’équipement médiatique. 

À la suite de l’initiative No Billag et de diverses séquences de repriorisations stratégiques de la SSR, qui a fortement secoué la SSR, le projet a été modifié et a subi des ajustements majeurs, notamment avec l’intégration du pôle Actualité. Des mezzanines ont été ajoutées, les affectations ont été révisées, et certaines zones ont été reconverties, parfois même en pleine construction. Même le “Tarmac”, situé au rez-de-chaussée et destiné à accueillir les camions de production, est conçu de manière à pouvoir être converti un jour en studios ou en bureaux.


L’approche d’ouverture conçue dans ce projet du campus RTS répond, selon nous, intelligemment aux désirs de représentation des valeurs du média. Cependant, ce concept de visibilité, très présent dans le projet, peut soulever certaines questions. Les collaborateurs.trices du “Champ” seront-ils pleinement satisfaits d’un open space aux places volantes ou demanderont-ils des cloisons supplémentaires ? Marc Bueler souligne : “C’est un vrai défi pour l’entreprise et nos organisations que de travailler dans des espaces de travail dynamiques. Chacun.e trouvera son port d’attache avec sa rédaction et ses collègues, c’est prévu. Mais c’est vrai que c’est un changement qu’il faut préparer et accompagner. C’est ce que nous faisons en ce moment avec des zones « tests » dans nos bâtiments actuels à Genève et Lausanne. Au final, nous sommes certains que cela favorisera les échanges et la collaboration des équipes et au final nos contenus pour le public”. Cependant, le principe de visibilité du travail cité par Marc Bueler n’induirait-il pas un possible manque d’intimité pour les travailleurs ? Seul le temps et l’usage des travailleurs nous le dira.

Notes
[1] Initiative populaire « Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag) » rejetée en votation populaire le 4 mars 2018
https://www.rts.ch/info/suisse/9167284-linitiative-no-billag-sur-la-fin-de-la-redevance-soumise-en-votation.html

[2] Entretien datant du vendredi 16 mai avec Marc Bueler, un ancien journaliste, chef de projet global pour le Campus RTS depuis 2017

[3]  Visite du chantier datant du vendredi 2 mai avec Antonios Prokos, architecte et chef du projet Campus RTS chez Office KGDVS

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